Bien que l’assemblée générale soit un des temps forts de l’année, la participation active des copropriétaires n’est pas toujours au rendez-vous. C’est pourquoi ils sont souvent encouragés à transmettre ce que l’on appelle communément leur pouvoir (ou délégation de vote).
Cette pratique, prévue par l’article 22 de la Loi du 10 juillet 1965, obéit tout de même à certaines règles concernant leur contenu et leur utilisation.
=> La forme du pouvoir
Document écrit, un modèle est généralement transmis avec la convocation d’assemblée générale. Il n’y a alors plus qu’à le compléter. Il peut également être établi sur papier libre sous réserve de contenir certaines informations :
- le nom et l’adresse du syndicat de copropriétaires concerné,
- la date et le lieu de l’assemblée générale,
- le nom du propriétaire et son adresse,
- ses numéros de lots et les tantièmes qui y sont rattachés
- la désignation du mandataire (voir plus bas pour la question des pouvoirs en blanc)
- un espace pour la signature de ce dernier en acception du mandat
- date et signature
Dans l’absolu, le mandataire non copropriétaire doit également mentionner son adresse sur la feuille de présence en vertu de l’article 14 du Décret 17 mars 1967.
=> Le destinataire du pouvoir
Un pouvoir peut être donné à toute personne physique qu’elle soit copropriétaire ou non. Cependant certaines personnes ne sont pas autorisées à recevoir un pouvoir. Il va s’agir ici du syndic, son conjoint, son partenaire lié par un PACS et ses préposés. Ceci afin d’éviter tout conflit d’intérêt et notamment l’utilisation des pouvoirs en blanc parfois reçus en agence.
Un préposé est celui qui accomplit un acte ou exerce une fonction sous la subordination du syndic (exécution d’un travail sous son autorité avec la possibilité de recevoir des ordres et des directives, d’un contrôle de l’exécution et de la sanction des manquements). La liste des personnes susceptibles d’avoir cette qualification n’est pas fixée de manière précise et ce sont les juges du fond qui déterminent si les conditions sont remplies. Il y a bien évidemment les salariés « directs » du syndic. Mais la jurisprudence a également pu admettre « que, même si aucun contrat de travail ne les lie, une personne qui travaille pour le compte du syndic, exécute ses ordres, accomplit pour son compte des actes de gestion incombant au syndic et se comporte à l’égard des tiers et des copropriétaires, comme la préposée du syndic » ne peut recevoir de mandat pour l’assemblée générale (Cass. 3e civ. 7 mai 2014 n° 13-11.743)
La question peut alors se poser concernant les salariés du syndicat : sont-ils à considérer comme des préposés du syndic ? Certains affirment que c’est bien le cas étant donné que c’est le syndic qui engage et congédie les employés et gardiens d’immeuble et lui qui gère leur travail au quotidien. Cependant l’employeur reste bien le syndicat des copropriétaires et, on le sait bien, le syndic reste souvent étroitement lié au conseil syndical et à l’assemblée générale pour ce qui concerne la gestion des salariés. Bien qu’aucun texte ne précise que cela soit possible, il n’y a pas d’interdiction spécifique pour eux de recevoir des mandats. On peut même citer une réponse ministérielle récente qui indique qu’il n’est à l’heure actuelle pas utile d’interdire la délégation de vote aux salariés du syndicat : Réponse ministérielle n° 21727 16 juillet 2013
Dans certains cas la personne désignée comme mandataire ne pourra pas accepter le pouvoir qui lui est transmis. Cela va souvent être le cas du Président du conseil syndical ou d’un copropriétaire « connu » des autres. Parfois de nombreux pouvoirs sont reçus au nom du Président de séance de la dernière assemblée générale, pouvoirs transmis par des propriétaires qui ne connaissent personne d’autre dans la copropriété et qui veulent absolument mettre un nom pour éviter les pouvoirs en blanc. Dans ce cas, et si la règle de limitation des pouvoirs trouve à s’appliquer (voir plus bas), il sera nécessaire pour cette personne de donner ces pouvoirs à une autre personne présente. C’est ce que l’on appellera la subdélégation. Cette dernière est possible à condition qu’il ne soit pas mentionné dans le pouvoir que le mandant s’y oppose (civ 3° 16 mars 2011).
Dans d’autres cas, le copropriétaire ne saura pas quel nom mettre dans son pouvoir. Il aura tendance à l’envoyer (souvent directement au syndic) sans mentionner de destinataire. Il s’agira d’un pouvoir en blanc. Cette pratique est admise mais il existe cependant un débat concernant la distribution de ces pouvoirs qui peuvent parfois être nombreux (et donc faire pencher la balance de certains votes). Doivent-ils être distribués par le Présidence de séance, le Président du conseil syndical ? Dans tous les cas, le syndic n’a pas à se charger de leur distribution. Sur ce point , la recommandation n°4 de la commission relative à la copropriété recommande à tous de transmettre des pouvoirs nominatifs et sinon de les adresser à l’attention du Président du conseil syndical ou du Président de séance (qui pourront alors subdéléguer si nécessaire).
Attention cependant en mentionnant le Président du conseil syndical : il est nécessaire de s’assurer qu’il y en a bien un. Dans le cas contraire le pouvoir est inutilisable car ne peut même pas être transmis à un membre du conseil syndical (civ 3° 28 janvier 2003).
A noter également que le mandataire non copropriétaire ne pourra pas être président de séance (civ 3° 13-11-2013) mais pourra accéder aux autres fonctions du bureau de séance.
=> Les consignes de vote
Certains demandent souvent s’il leur est possible d’indiquer dans leur pouvoir leur position sur les résolutions à l’ordre du jour. Il est même parfois conseillé aux syndics de prévoir un verso à leur modèle de pouvoir dans lequel ils mettent la liste des résolutions avec « pour » « contre » « abstention ».
Tout cela part d’une très bonne intention car cela sera très utile pour les mandataires qui ne connaissent pas vraiment leur mandant et peuvent avoir des hésitations sur des questions épineuses.
Attention cependant à garder en tête que ces consignes de vote ne lient que le mandataire et le mandant et ne regardent pas le syndicat des copropriétaires ou l’assemblée générale.
Ainsi en cas de non respect de ces consignes de vote, seul le mandataire engage sa responsabilité à l’égard du mandant et la décision prise reste valable (CA Paris, 23ème ch. B, 31 mai 2000).
=> Le nombre de pouvoirs par mandataire
Afin d’éviter que certains ne collectionnent les pouvoirs, une limitation est prévue par les textes. Chaque mandataire ne peut recevoir plus de 3 pouvoirs sauf si le total des tantièmes cumulés ne dépasse pas 5% des voix (tantièmes du mandataire s’il est propriétaire + ceux de ses pouvoirs). Ainsi dans certains immeubles, il sera possible d’aller au-delà des 3 pouvoirs par mandataire. Cela sera le cas dans dans les grosses copropriétés (plus il y a de lots, moins leurs tantièmes vont avoir de poids) ou alors si une personne se présente avec plusieurs pouvoirs pour des petits lots type cave ou parking.
Il semble que le calcul des 5% doive s’apprécier uniquement sur le total des tantièmes généraux et non pas en fonction de la clef de vote.
Il existe une exception concernant les immeubles qui font partie d’un syndicat principal. Il est alors possible qu’une seule personne représente de nombreux propriétaires à l’assemblée générale du syndicat principal sous réserve que tous les mandants fassent partie du même syndicat secondaire.
Une autre exception existe pour l’usufruitier locatif social : ce dernier peut par dérogation à l’article 22 de la Loi de 1965 recevoir plus de 3 pouvoirs sur la base de l’article L253-1-1 du code de la construction et de l’habitation.
Un débat s’est également tenu pendant longtemps concernant les époux. Lorsque les deux sont présents en assemblée générale, peut-on distribuer jusqu’à 3 pouvoirs à chacun (ou 5% des tantièmes) ? Cette solution a été pendant un temps refusée pour ce qui concerne les époux communs en biens (RM n° 34796 JOAN 09/11/2004) alors même qu’elle était acceptée pour les époux indivisaires (civ 3° 20/07/1994). Désormais la solution est claire : le décompte des pouvoirs se fait pour chaque personne présente et donc les deux époux peuvent avoir à eux deux plus de 3 pouvoirs ou plus de 5% des tantièmes (Civ 3° 20 octobre 2012).
Dans tous les cas, le respect des règles impératives concernant les mandats de vote doit absolument être contrôlé car la sanction est la nullité de l’assemblée générale même si l’utilisation de ce mandat n’a pas été déterminante dans le résultat des votes.
Ce contrôle doit être effectué par le Président de séance qui doit certifier la feuille de présence mais le syndic doit sur ce point jouer son rôle de conseil pour éviter des contentieux inutiles.
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